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Les Roches à Bassins

Un mot sur l’auteur
ROGER  MATHIEU :  LE MYSTERE DES PIERRES A BASSINS


Ingénieur métallurgiste, Roger  MATHIEU est né à St Jean d’Aubrigoux (Haute-Loire) et revient  régulièrement dans la région.
Membre de la Société d’archéologie de Craponne sur Arzon ainsi que de plusieurs autres associations savantes : Société Archéologique et Historique de la vallée du Groult, Groupe d’archéologie Antique du Touring Club de France, Société Académique du Puy en Velay …
Il est aussi animateur de plusieurs émissions sur ce sujet, à la Radio.
Il a publié de nombreux articles dans différentes revues, et notamment une plaquette consacrée à l’étude des « Pierres levées de la région de Craponne », en 1980.
Le mystère des « Pierre à Bassins »,  préfacé par Jean MARKALE, spécialiste de la mythologie et de l’histoire celtes (« les Celtes et la civilisation celtique », Paris, Payot), est le premier livre consacré à ces témoins archéologiques que sont les bassins taillés, les cupules, les empreintes ou les chaises taillées que les traditions locales attribuaient le plus souvent soit à Gargantua, au diable, ou à un saint  thérapeute, St Martin très souvent.
Inconnus, ou méprisés, ces témoins ont tendance de plus en plus à disparaitre. Aussi est-il nécessaire de les étudier et de les recenser. Pour des raisons pratiques, R. Mathieu s’est plus particulièrement circonscrit à deux régions test : le Velay et le Poitou, mais la méthode qu’il développe s’applique à l’ensemble du territoire.

C’est Madame Berthe Chastagnol (directrice de l’école publique d’Allègre de 1962 à 1977) qui a écrit un livre (non publié) sur ce sujet. Elle s’est inspiré du travail de Roger Mathieu avec lequel elle a eu l’occasion de correspondre.

ROCHES A BASSINS, près d’ALLEGRE par Roger Mathieu

Venant d’Allègre, traverser La Chapelle Bertin d’Est en Ouest. Au niveau du cimetière tourner à gauche à angle droit.
Οn trouve à sa gauche (à 4 ου 500m après le cimetière), l’entrée (point A) d’un chemin non carrossable qui mène à la première roche en 1 (« le berceau du petit Jésus »), en bordure d’un bois qui limite les champs.
 Plus loin au point B, on trouve à droite, le chemin qui descend vers les roches 2  (zone de Rochebeau) et vers la ferme (maison forte ?) de l’Arboulet en 3, où se trouve une curieuse Croix.

De A à B : 700 m environ.

Après 400 à 500 m depuis le Cimetière, par le chemin de la Chapelle Bertin à Varennes St Honorat, prendre le petit Chemin à gauche, dans les champs. Il mène à l’orée du bois dans lequel se trouve le premier rocher intéressant.

Carte E. M. 1/5ΟΟΟΟ ΧΧVII- 34 Crapone Sur Αrzon

Le berceau du Petit Jésus

Peu élevé, 2 m environ, mais nettement visible, il porte 3 bassins, qui semblent bien, encore une fois, ne rien devoir à l’érosion.

Bassin fort bien dessiné, d’un bel ovale régulier, de 43 cm de petit axe et de 70 de grand axe. Le fond en est plat et horizontal, la profondeur uniforme sauf sur le côté Est.
On pourrait facilement y coucher un jeune enfant, mais il est hautement improbable que cette raison soit pour quelque chose dans l’appellation qu’on lui a donnée. Il se nomme en effet « le berceau du petit Jésus ». Ce nom chrétien démontre seulement une fois de plus la vocation cultuelle qu’ont eue ces mégalithes, et la christianisation qui s’en est suivie.
La taille de ce bassin le classe parmi les grands.

Photos récentes du « Berceau du petit Jésus » (2018)

Ci-dessous : une expérience à faire :

Se placer debout dans le berceau du Petit Jésus, les baguettes métalliques (ici des fils électriques en cuivre) se mettent à bouger.
Ceci est valable pour toutes les roches à bassins. Sans doute un phénomène magnétique ????

Notes : 1 – La légende dit que l’enfant Jésus dormait dans le berceau et procédait à sa toilette dans un autre bassin.
2 – “Mon grand-père me racontait dans ma jeunesse, qu’ autrefois on venait tuer des chevreaux sur cette roche », lui disait une femme du pays – en 1973.
B. Chastagnol

 Berceau du petit Jésus : Coordonnées GPS

Le secteur de Rochebeau

Bassin rectangulaire à angles arrondis, il est creusé en bordure de la roche mais ne constitue néanmoins pas un siège, au sens habituel dans lequel nous l’entendons. C’est un bassin qu’on pourrait appeler demi-ouvert. En effet la moitié du côté Sud. seulement est ouverte en bordure de la roche et, de plus, il subsiste dans cette ouverture un petit barrage de pierre l’ obstruant sur 5 cm de hauteur.
Le fond en est toujours plan et horizontal.

Bassin parfaitement circulaire, toujours à fond plan et horizontal. Il est de profondeur uniforme : 5 cm mais ouvert du fait qu’il a été creusé en bordure de la roche et dans un angle de celle ci. L’ouverture s’étend sur 1/5 de la circonférence, sans aucun reste de barrage rocheux. Est ce voulu ou bien ce bassin n’a t ’il jamais été achevé ?
De par son faible diamètre : 18 cm, on peut le considérer comme constituant la limite entre la cupսle et le bassin.

Rochebeau n’est pas le point culminant, mais si l’on grimpe sur la carapace de la tortue », on jouit d’un très beau point de vue sur la vallée de la Senouire (limite de la tribu Vellave ?) et sur le plateau opposé de Collat, bois de Chantelauze et forêt de Lamandie. A gauche et à droite de Rochebeau, on devine, à travers les arbres, les ruines de Murs, les roches du Fraisse (avec croix gravée), les roches de l’Arboulet surmontées d’une croix de fer, les roches des Fages, dites aussi de l’écuelle, mais il n’y a pas d’écuelle.
Dans un tel cadre, comment ne pas imaginer, à Rochebeau, un sanctuaire religieux important « Il ne subsiste, hélas, aucune légende, à part une rumeur de souterrain à la maison forte de l’Arboulet de laquelle dépend la hêtraie de Rochebeau. »

Roche ou groupe 2

Ce groupe est très difficile a découvrir. Le croquis ne saurait y suffire. Il vaut mieux essayer de convaincre un paysan connaisseur afin qu’il consente à servir de guide. Il se situe en effet en plein bois, sous de grands hêtres, et à environ une centaine de mètres du chemin, ce qui fait qu‘on ne le voit que lorsqu’on y arrive.
II est constitué d’un rocher et de deux roches, que nous avons numérotés A, A, C. La roche B est à 4 ou 5 m seulement du rocher A.

Rocher A

Fort amas de roches envahi par les fayards, forme ́un chaos informe. Il est assez élevé et porte 3 bassins, tous creusés sur la même roche, qui ici, fait curieux, n’est pas la roche dominante,(1). Le rocher n’est pas lui même vraiment dominant, encore que la visibilité du nord à l’ouest pourrait être grande s’il n’y avait pas les arbres.
Outre cela, c’est une accumulation de curiosités dans le genre qu’on rencontre ici, comme nous allons le voir dans la description des trois bassins.

Note 1 : Ce rocher a formé une espèce d’autel au pied d’un gros bloc ayant la forme d’un monstre, comme une espèce de tortue géante. On dirait que ces bassins sont sous la protection de ce dieu ou, génie tutélaire.

Bassin1 (à verifier)

Ce bassin à fond plan et horizontal, est légèrement ovale : 39 cm de petit axe pour 43 cm de grand axe. Il est fort bien creusé et d’une grande régularité. Il contient toujours de l’eau, même en époque de sécheresse, car sa situation à l’abri des rayons du soleil ralentit considérablement l’évaporation.
Il présente une particularité tout à fait originale puisqu’elle est, pour le moment, unique à notre connaissance. Très profondément creusé, 30 cm au total sauf sur le côté Ouest, il est, du N.0. au N.E, en excavation sous la roche et en même temps sous une autre roche reposant en partie sous la première. Sur une profondeur de 20 cm à l’entrée, l’excavation présente une avancée de 11 cm sous la roche.
Ce n’est pas précisément la place qui manquait sur cette pierre pour creuser un bassin de cette taille, et ce n’est pas l’érosion eu ni la dissolution qui ont fabriqué ce « mini abri sous roche » dans un granit plissé dépourvu de mica et peu riche en feldspath, mais très siliceux, donc à peu près insoluble. On peut ainsi penser qu’une telle forme a été motivée par une idée préalable. Mais laquelle ?

Bassin du type siège, c’est à dire à ouverture totale en bordure de la roche, sans bourrelet formant barrage. Fond horizontal mais légèrement concave. Bords quelque peu évasés au Nord et à l’Ouest. Comme certains que nous avons déjà vus, mais rarement, il comporte un double creusement : il est doublé d’un évasement en entonnoir allant de l’E au N.0. formant un dessin à découpe en éventail de 20 cm au maximum. Ceci porte la profondeur totale du bassin, par rapport au niveau de la roche, à 26 cm au Sud et à 18 cm à l’ouest.
A quelle idée obéissait donc ce phénomène ? A recueillir davantage d’eau de pluie, et pour n’en rien retenir dans le bassin ? En tout cas pas à faciliter la position assise, bien sûr, puisqu’un homme normal ne saurait y tenir. La dénomination de « siège  » n’ayant trait ici qu’à la forme.

Petit bassin à la limite de la cupule de part ses dimensions. Il est presque cylindrique ( 18 X 20 ). De creusement parfait, c’est un petit chef-d’oeuvre de régularité. Ses parois sont parfaitement verticales, le fond en est plan et horizontal.
La particularité de ce bassin réside dans le fait que, tout à fait exceptionnellement, il a été découvert avec une pierre fermant son orifice. Ce caillou « couvercle  » est assez plat, mesure 28 cm de diamètre et son plan inférieur s’adapte parfaitement sur l’ouverture. En le faisant  pivoter sur un axe imaginaire vertical on trouve une position, et une seule, pour laquelle il y a coincidence parfaite, sans aucun « effet bancal  ».
Quand nous aurons ajouté que ce petit bassin fut découvert rempli de terre, et que ce fait constitue un cas unique dans la région, à notre connaissance, nous aurons peut-être épaissi un peu plus le mystère. Le malheur en cela est que l’inventeur, peu averti et novice (1) dans la connaissance de roches à bassins, en dispersa, le contenu aux quatre vents sans en rien conserver. Une minutieuse étude de cette terre nous aurait, peut-être, éclairés sur la destination de la cavité. Nous pensons, naturellement, à une cupule cinéraire, une sorte de coffre immobile. Ce ne serait pas le premier exemple connu de ce genre. Bien qu’ici le bassin ne présente pas, à sa partie supérieure de feuillure pour l’encastrement du couvercle, ce qui signerait d’une manière certaine sa destination funéraire .

On remarquera que ce rocher présente, dans les bassins qu’il porte, trois curiosités : le creusement du bassin 1 sous la roche, le creusement en entonnoir du bassin 2 et le couvercle du bassin 3. Bien sûr on ne saurait prouver que le bassin 3 est muni de son couvercle depuis l’origine. Mais on peut remarquer que c’est le seul bassin, à notre connaissance, dont la profondeur représente 60 % du diamètre ! Tous les autres bassins que nous avons vus, si on excepte les variations de niveau de la surface supérieure de la roche porteuse, ont une profondeur qui n’excède pas 25 % au maximum du diamètre le plus petit. Nous sommes donc ici en présence d’un bassin particulier. Ceci démontre bien que les cupules et bassins n’ont pas tous la même destination, donc pas tous le même usage.

Note :
Ce novice peu averti, c’est moi : B. Chastagnol. Intriguée au plus haut point par ces roches à bassins que me révélaient, dans leurs écrits et sur le terrain autour de Craponne, le Docteur Bachelier, M. Pillard et M. Mathieu, je décidai, un beau jour de 197I, de chercher si de tels bassins n’existeraient pas dans la région d’Allègre. Je me mis à questionner de ci, de là.
La première trouvaille fut faite grâce à M. Gaston Farigoule, mari d’une collègue d’Allègre, originaire de La Chapelle Bertin. En me priant de ne pas me moquer de lui, tellement ce qu’il allait dire lui paraissait sot, il me parla. d’un souvenir lointain : du “berceau du Petit Jésus  » ( p. 2 qui paraissait correspondre à ce que je lui demandais. À notre première visite, ce  » berceau  » était plein d’une haute mousse, d’un vert très frais, qui le remplissait exactement et cachait sa cavité. Nous avons dû le nettoyer pour découvrir sa forme,son fond plan, ses bords verticaux et ses dimensions.
Je dois ma deuxième : découverte de roches à bassins à M. Chaptard, maire de Varennes St Honorat. Averti de mes recherches, il me conduisit un jour à Roche beau où il voulait me montrer ce qui lui semblait être aussi un  » bassin » et dont un prêtre lui avait parlé autrefois. C’est le bassin C page 9 de cette étude de M. Mathieu. Il faisait très beau ce jour là et nous errions dans le bois de hêtres lorsque je fus frappée par un chaos de rochers. Le plus élevé semblait un monstre (une énorme tortue, à moitié dressée, protégeant à ses pieds, d’autres rochers plus plats. IL me sembla  que les hommes préhistoriques avaient dû être attirés par cette disposition remarquable, dans un tel lieu, au dessus de la vallée de la Senouire et s’il est vrai qu’ils aient, un jour, creusé des « bassins » un tel cadre ne pouvait qu’en receler. Avec l’ardeur de néophytes que l’on devine nous nous sommes attaqués au débroussaillage : mousses , bruyère, genêts, etc. Ils recouvraient plus ou moins le rocher A et ses voisins.

La pierre »couvercle » apparaissait dans cette végétation. Je l’ai aussi dégagée de la terre et de l’humus qui (de 0 à I0 cm d’épaisseur) nivelait en grande partie la face supérieure du rocher A. Sous le « couvercle « , bien appliqué jusqu’alors, j’ai trouvé une cavité parfaitement pleine d’ une terre fine légèrement humide où prenaient naissance quelques très fines racines à la partie supérieure du remplissage. C’était là, je crois une espèce de terre de bruyère amenée par le vent et l’eau, une bonne terre pour mes fleurs ai-je pensé, mais je n’avais rien pour la recueillir et j’étais trop impatiente de continuer ma fouille.
Puis, dans ce creux, qui était bien un bassin,sous une couche de I0 cm environ de cette terre, j’ai rencontré une autre couche de couleur et de consistance différente. Sur 2 à à 4 cm, tout à fait au fond, c’était une boue noirâtre, parsemée de nombreux « grains » très blancs, irréguliers, de la taille du  sel de cuisine. Ces grains m’ont paru légers et j’ai pensé, en un éclair, à des restes de feu. Mais je n’avais, hélas, qu’un but pressant : découvrir un bassin et j’ai bien tout  » lancé aux 4 vents ». Pourtant j’ai gardé sur mes doigts le souvenir, très précis me semble t-il, de cette boue noire, et de ces menus morceaux légers et très blancs.
Il a fallu qu’en 1983, je lise l’étude de M.Mathieu pour réaliser l’importance qu’aurait pu avoir ma “découverte” si découverte il y avait. Mon témoignage n’est, hélas, pas une preuve. 
B. Chastagnol

Roche relativement plate, située à quelques m. à peine à l’Ouest et en contrebas du rocher A précédent. Elle porte un bassin tendant vers l’ovale mais présentant une légère irrégularité, en pointe peu marquée au Sud. Une petite fissure part de cette pointe, mais elle n’est pour rien dans cette formation du bassin car on se trouve encore en présence d’un granit sans mica.
Le fond n’est pas entièrement plat, les côtés Ouest et Est s’en allant en léger évasement sur environ 1/3 du diamètre au total. Le diamètre N.S. est entièrement en plan. Ce fond n’est plus horizontal, mais il le fut à l’origine car la roche, mobile, a basculé au cours du temps d’environ 20° vers l’Est, ce qui correspond à l’angle que fait désormais le fond avec l’horizontale.
Il est creusé assez près des bords de la roche et néanmoins aucun effet d’érosion n’est venu enlever un quartier de pierre. Situé relativement à l’ombre, il contient souvent de l’eau.


Rocher C

Se situe à quelques dizaines de m, et est en amont des deux roches précédentes. Il est tout aussi difficile à découvrir que ces dernières. Sa position est nettement dominante au Nord.
Il porte un bassin d’assez grande taille, ovale, d’axes 52 et 40 cm. mais peu profond. Il n’est pas très régulier car la pierre qui le porte, constituée d’un granit feuilleté et peu homogène, a souffert de l’érosion aréolaire. Des lames s’en détachent, mais cependant, aucune partie, si érodée soit-elle, n’amorce actuellement de cavité pouvant ressembler à un bassin, même d’assez loin.
La roche qui couronne un socle massif est peu élevée par rapport à ce massif: un peu plus de 1 m. Allongée mais étroite, le bassin qui l’occupe en travers va presque d’un bord à l’autre. Son grand axe est plutôt travers par rapport à l’axe moyen du feuilletage, ce qui permet de dire qu’il n’est pas l’oeuvre de l’ érosion.

Le fond en est horizontal, en moyenne, mais il n’est pas entièrement plan car il porte des traces d’érosion qui l’ont recreusé légèrement par endroits
Cet ensemble des trois roches est situé sur la terre le l’Arboulet, du nom d’une grosse ferme dont les bâtiments sont à l’abandon et dont les parcelles jadis cultivées ont été converties en plantation de bois.
Le nom exact du lieu-dit : « Rochebeau » ou « Rochambeau » ou « Roche en bô », roche dans les bois ? Nous ne connaissons ni légende, ni appellation particulière de ces bassins. On ne peut que souligner le caractère particulièrement original de certains de ces bassins.

Secteur de l’Arboulet

Zone située à environ 300 mètres de Rochebeau

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