Potence
Différents points de vue de la Potence d’Allègre
Du château commencé en 1385 par Morinot de Tourzel il ne reste que cette large porte visible de très loin. Dominant la « Petite Cité de caractère » d’Allègre, elle impose sa forme de potence encadrée de deux tours pleines surmontées par un linteau de créneaux à machicoulis tréflés.
Son impressionante silhouette ainsi que l’histoire qui lui est attachée ont valu à la Potence d’être classé Monument Historique en 1935.
En fait il s’agit des ruines de la façade méridionale du château. Ces vestiges donnent une idée de ce que devait être la forteresse qui était une des plus importantes d’Auvergne pendant plus de trois siècles à partir de la fin du XIVe siècle jusqu’à la fin du XVIIe.
A quelques mètres de là, ce qu’il reste de la tour de la salle des Gardes.
La potence d’Allègre sous toutes les coutures
La Potence à la loupe
Photos prises du côté Nord
Le pilier Est
2 – Sans doute ce qu’il reste d’un couloir
1 – un départ de voûte
3 – encadrement de fenêtre
4 – un support de voûte
5 – encadrement de fenêtre
Le pilier Ouest
1 – le couloir du pilier Ouest
2 – Encadrement de fenêtre
3 – un support de voûte
Photos prises du côté Sud
Les mâchicoulis
Les mâchicoulis de la tour Ouest
Les mâchicoulis tréflés
Les mâchicoulis vus sous un autre angle
Disposé à mi-hauteur des tours et de la façade du château le larmier est destiné à faire tomber l’eau de pluie en gouttes à distance du pied de l’édifice, pour éviter les dégâts qui causeraient des dégradations sur la partie inférieure.
La rénovation de la Potence
Celle-ci fut une oeuvre de longue haleine et une belle preuve de persévérance de la part des élus et des défenseurs du tourisme et du patrimoine puisqu’elle s’étala sur plus de 30 ans. Elle connut deux phases.
- L’appropriation publique et la table d’orientation (1935)
Avant la Guerre, la Potence, propriété de la famille Grellet, donnait de sérieux signes d’inquiétude : ainsi qu’on peut le voir sur ces photos, la ligne de mâchicoulis subsistant depuis plus de deux siècles entre les deux tours malgré l’affaissement du mur qui lui servait d’appui, menaçait de céder aux lois de la pesanteur et de la résistance des matériaux et de disparaître, privant ainsi la commune de ce monument original et emblématique.
Les travaux s’annonçaient comme étant d’ampleur et de nature à faire reculer les fortunes les mieux établies… (en 1945, ils seront estimés à 400 000 Frs, dont 100 000 pour le seul échafaudage ; estimation portée à 489 000 Frs en 1949).
C’est pourquoi germa l’idée d’un don à la commune dont il était attendu une protection au titre des monuments historiques et, par voie de conséquence, la prise en charge par l’Etat de l’entretien, comme il est de règle pour les MH.
Ainsi fut fait : un acte authentique de 1935 atteste le don par le baron Pierre Grellet à la commune d’Allègre du tènement sur lequel était autrefois établi le château. Le classement suivit en 1937 (toutefois à la condition expresse que l’Etat n’ait pas à intervenir dans le financement des travaux de restauration), ainsi que, pour valoriser le site, la réalisation, sur l’éminence, d’une table d’orientation d’une remarquable facture. Cette réalisation fut conduite sous la responsabilité de l’administration des Ponts et chaussées placée sous l’autorité de l’ingénieur des TP en résidence à Allègre, M. Massot, René Chossegros étant maire. Pour marquer l’évènement, en 1938, ladite table d’orientation fut inaugurée (photo de gauche) en présence d’Ulysse Rouchon (à droite, portant le nœud-papillon), du baron Grellet (canne), de Raymond Julien-Pagès (à droite, devant la table d’orientation), gendre de Victor Pagès, qui fut conseiller général du canton d’Allègre et président du Conseil général, et qui œuvra beaucoup dans le tourisme (il fut le fondateur, au niveau local des Amis d’Allègre, et, au niveau national, des Logis de France et des Gîtes ruraux).
Mais deux ans après, la Guerre survient, qui interrompt les projets de restauration et renvoie les travaux à des jours meilleurs…
- La rénovation (1952-1956)
On se souvient de la décision de principe de l’Etat qui avait accepté le classement sous condition de ne pas engager de frais pour la restauration et que, inversement, la commune espérait bien que ce classement la déchargerait de toute dépense.
Dès 1945, le problème de la restauration de la Potence est posé : l’Etat refuse toute participation… sauf si la commune accepte de contribuer financièrement aux travaux. Le conseil municipal s’oppose. La situation est bloquée. Le préfet attire l’attention du maire sur ses responsabilités en matière de maintien de l’ordre public et lui demande de protéger les abords du monument ; l’administration des Beaux-arts menace de retirer le classement, ce qui aurait pour conséquence de reporter l’intégralité de la charge sur la commune. Au conseil municipal, une (ou des ?) voix s’élèvent même pour suggérer que l’on détruise ce monument, mais, si la commune renommée rapporte ce propos, on n’en trouve aucune trace ni dans les délibérations (aucune mention), ni dans les dossiers (aucun devis) : il semble donc que ce fut plutôt une boutade… mais qui est restée dans les mémoires.
En 1946, des bonnes volontés se manifestent à l’initiative du Syndicat d’Initiative et du « comité » des Amis d’Allègre, tous deux animés par Raymond Julien-Pagès, pour dénouer la situation et, donc, trouver des sources de financement. Afin d’atténuer le poids de celui-ci, on distingue l’étaiement proprement-dit de la consolidation.
- L’étaiement (1952-1953) consistera à installer un échafaudage conçu (voir les 2 plans ci-dessous) par André J. Donzet, un jeune architecte en chef des Monuments historiques (ACMH) qui interviendra plus tard, à la cathédrale du Puy, à l’abbaye de la Chaise-Dieu (il est à l’origine du remplacement des ardoises par des tuiles romanes), à l’église Saint-Laurent, au Puy (on lui doit également les secteurs sauvegardés de Riom et de Lyon, celui-ci étant le plus grand de France).
En 1950, le financement est bouclé : l’Etat apportera 200 000 Frs, la commune 300 000 Frs (sous forme d’une avance remboursable), le Conseil général 197 000 Frs et les Amis d’Allègre 100 000 Frs. Le baron Grellet et la comtesse de Lachapelle devaient faire un don de 15 m3 de bois pour confection des étais.
Les travaux, assurés par l’entreprise Léon Perre, du Puy, démarrent le 13 février 1952 pour se terminer en octobre 1953. C’est pendant cette période qu’ont été prises les cartes postales qui donnent à voir ce très bel ouvrage.
Les travaux se sont élevés à 747 000 Frs, plus 44 200 Frs d’honoraires pour l’architecte.
- La consolidation (1955-1956)
L’étaiement constituait une mesure provisoire ; il fallait traiter le problème à l’origine. André Donzet, Raymond Julien-Pagès s’activent pour trouver les financements : l’estimatif des travaux établi par l’architecte s’élève à 1 321 054 Frs, la commune et le Conseil général apporteront chacun 150 000 Frs.
La réalisation, qui s’étend de 1955 à 1956, est à nouveau due à l’entreprise Léon Perre ; elle consiste à réaliser une poutre en béton armé creuse qui servira de linteau et entre les entretoises de laquelle seront glissés des corbeaux en forme de mâchicoulis.
Pour cela, les étais de consolidation seront remplacés par un échafaudage d’accès légèrement différent dans la conception et laissant un vide entre son sommet et la nouvelle poutre en béton armé, pour permettre aux ouvriers de travailler (voir photo ci-dessous). Cet échafaudage restera en place jusqu’en 1956, année de l’achèvement de la phase de travaux.
Les travaux sont à peine achevés que le conseil engage les études et la recherche de financements pour l’illumination de la Potence ; celle-ci interviendra en deux temps (1966 et 1988). Entre temps, une consolidation des tours était intervenue en 1979-1980. Mais ceci est une autre histoire…
Analyse de la façade de la Potence
Des sondages archéologiques à la Potence
En 2017, la municipalité a souhaité un complément d’informations sur les vestiges du château qui se dressait en ces lieux à partir de la fin du XVème siècle.
Ainsi une demande pour effectuer des sondages à la Potence a été engagée. Après approbation du dossier et obtention des subventions, les sondages ont pu commencer. Il ne s’agit pas là de fouilles, celles-ci demandent un travail beaucoup plus long et conséquent mais de faire le point sur deux zones précises qui ont été examinées dans le détail par des archéologues de « Mozaïques Archéologie » Nicolas Clément et Cécile Rivals.
C’est au mois de juillet 2017 que les travaux ont débuté, ils ont duré deux semaines. Pour le travail de gros oeuvre qui consistait à enlever la couche superficielle et déplacer des blocs importants, il a fallu monter un mini tractopelle sur le chantier. Ensuite ce sont les archéologues qui se sont mis au travail avec des outils de spécialistes bien plus précis.
Sondage 1
Il avait été décidé dans un premier temps, de creuser au niveau de la porte d’entrée principale du château afin d’en dégager le seuil. Celui-ci a été effectivement découvert sous une ciquantaine de centimètres de terre. Une bande d’une dizaine de centimètres a dévoilé un niveau charbonneux (traces de l’incendie). Dans la partie la plus basse, un filet avertisseur d’une gaine de conduit électrique servant à l’éclairage du château a été découvert.Dans cette partie du sondage quelques restes charbonneux ont pu être observés.
Sondage 1 : porte d’entrée du château – (Photos N. Clément)
En rouge : Un filet avertisseur d’une gaine de conduit électrique servant à l’éclairage du château.
Sondage 1 : Photo N. Clément
Sondage 2
La seconde partie des travaux consistait à identifier le passage qui devait se trouver entre la cour et le donjon. Pour cela une tranchée d’une dizaine de mètres a été creusée à partir de la tour Est de la Potence en direction du Nord-est.
Dans la continuité du mur existant – La partie du sondage n°2 (Photos JPD)
Seule une partie des fondations du mur a été mise à jour, les archéologues ont creusé jusqu’à l’assise basaltique sur laquelle devait sans doute reposer le mur, mais aucune pierre de construction n’a été trouvée dans cette zone. Il est probable que celles-ci ont été récupérées par la population après l’incendie du château le 15 novembre 1698 pour être réutilisées dans les maisons du village.
Dans la partie supérieure : une strate de tuiles empilées, aucune n’a été retrouvée intacte
Sondage 2 : Photo N. Clément
Une canalisation creusée dans la pierre, en bon état de conservation a été découverte dans la partie un peu plus au nord de la tranchée. Elle servait à amener l’eau de pluie des toits du château dans la tour Nord-est qui contenait une citerne.
La canalisation – Sondage 2 : Photo N. Clément
Sous la strate de tuiles, les archéologues ont mis à jour des carreaux de sol en terre cuite, bien en place et en bon état.
Toujours en place des carreaux de terre cuite- Sondage 2 : Photo N. Clément
Dans un étage inférieur d’autres carreaux plus grossiers ont pu être observés. Ce qui conforte la thèse de la construction du château (en 1385) sur un autre bien plus ancien. Rappelons à ce sujet que la première mention du château d’Allègre remonte à 1222. Les ruines actuelles de la Potence appartiennent au château reconstruit par Morinot de Tourzel à la fin du XIVe siècle. La localisation du premier château est inconnue, mais la découverte de ces pièces en terre cuite attestent de l’existence d’un état antérieur à celui du XIVe siècle.
Peu de cendres ont été signalées dans ce secteur du sondage, ce qui permet de supposer que l’incendie de 1698 n’a pas forcément détruit cette partie-là du château. Il est possible que l’incendie ne soit pas à l’origine de la destruction totale du château, en effet des traces ont été observées dans le sondage 1 mais pratiquement pas dans le second. Le feu a sans doute détruit une partie de la toiture qui n’a jamais été réparée et a entraîné la dégradation rapide du site. Yves V qui possédait plusieurs autres lieux de résidence ne jugea pas utile d’investir dans un château qui menaçait de s’effondrer. Ainsi ce qui fut l’un des plus beaux châteaux d’Auvergne fut assez rapidement transformé en une carrière de pierres qui ont fait l’objet d’une récupération organisée et rapide.
Des objets divers ont également été mis à jour, des fragments de tuiles rouges avec le trou pour fixation, certains de ces fragments sont émaillés. De nombreux restes d’ardoises ont été retrouvés ce qui révèle la coexistence de de ces deux modes de couverture. Des dizaines de clous ont été collectés, ceux-ci servaient à la fixation des tuiles.
D’autres objets intérressants ont été découverts, comme cette clef de coffre (en mauvais état), ce morceau d’étoffe ou encore ces deux pièces de monnaie, des douzains relativement bien conservés, ceux-ci ont été frappés à Rouen aux alentours de 1498. Le douzain était une monnaie qui avait été créée par Charles VII, rappelons ici que ce roi était venu passer une nuit au château d’Allègre, c’était en janvier 1425.
Une balle de mousquet de un centimètre de diamètre environ, en métal, fait aussi partie de la collecte.
Photos des objets collectés
Tous ces objets ont été trouvés dans le sondage n° 2
Deux pièces de monnaie, des douzains et un morceau de tissus
Sondage 2 : Photo N. Clément
Une clef de coffre (plus de trois siècles sous terre ont eu raison de l’objet métallique)
Des restes de tuiles (photo N Clément)
Des clous pour fixer les tuiles
Des morceaux de tuiles (certains sont émaillés)
(Photos N. Clément)
Les travaux terminés, les tranchées ont été totalement rebouchées.
A ce jour, aucune étude scientifique n’avait été menée sur ces vestiges de l’un des plus imposants châteaux d’Auvergne. La décision de continuer l’aventure en élargissant le périmètre des fouilles sera prise ultérieurement.
Le dossier est consultable en mairie aux heures d’ouvertures habituelles.
Une nouvelle information en direction de la population est envisagée, l’archéologue Nicolas Clément fera à nouveau un exposé et répondra aux questions des personnes présentes. La date vous sera communiquée par voie de presse et sur le site Internet de la mairie.
Photos J P D & N Clément – A B 2017-11-27
Les illuminations de la Potence
Les mâchicoulis en 3D
Genèse des mâchicoulis tréflés de la potence
Variations lumineuses (Haute Définition)
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Les mâchicoulis en 3D semblent sortir de la potence